Dans la psychologie de Jung, l’Ombre joue un rôle capital. Elle représente tout ce que nous cachons aux autres et à nous-mêmes pour ressembler à un « modèle idéal ». C’est en fait notre partie obscure, le pôle complémentaire, mais négatif, de notre complexe du Moi. Au cours de notre vie, cette zone ignorée reçoit le dépôt de plus en plus épais de nos actes passés, du refoulement de nos désirs illicites, de tout ce que nous avons entrepris et raté, dépôt alimentant notre culpabilité et notre amertume. Plus nous ignorons volontairement cette lie, plus elle devient noire et épaisse. Ce dépôt ne représente pas forcément le Mal en nous, mais plutôt tout ce qui est primitif, aveugle, inadapté. Il alimente notre peur. En fait, l’Ombre incarne notre inconscient personnel. Mais, à cause de ses racines archétypiques, elle peut figurer aussi bien le Mal absolu, surtout sur le plan collectif. C’est alors que surgit le Diable entouré de ses créatures maléfiques.
« Les côtés malaimés de nous-mêmes que nous tentons en vain d’éliminer de nos vies se projettent sur les autres, et nous forcent à les reconnaitre. » Jean Monbourquette
La plupart du temps nous projetons notre ombre sur autrui. C’est lui qui a toujours tort. Cette projection de toutes nos négativités alimente nos aversions incompréhensibles et nos haines viscérales. Mais elle est aussi un moyen de voir clair en nous, à condition de prendre conscience de cette projection.
« De deux choses l’une, nous connaissons notre ombre ou ne la connaissons pas ; dans ce dernier cas, il arrive souvent que nous ayons un ennemi personnel sur lequel nous projetons notre Ombre dont nous le chargeons gratuitement, et qui à nos yeux, la porte comme si elle était sienne, et auquel en incombe l’entière responsabilité ; c’est notre bête noire, que nous vilipendons et à laquelle nous reprochons tous les défauts, toutes les noirceurs et tous les vices qui nous appartiennent en propre ! Nous devrions endosser une bonne part des reproches dont nous accablons autrui ! Au lieu de cela, nous agissons comme s’il nous était possible, ainsi, de nous libérer de notre Ombre ; c’est l’éternelle histoire de la paille et de la poutre. »
C.G.Jung — L’homme à la découverte de son âme, Éd. Mont-Blanc, 4e éd., p. 380.
Comment affronter cette inconnue si puissante ? Nous nous rendrons vite compte qu’elle possède une énergie qui nous dépasse ; la forcer nous fait risquer le pire. Il faut plutôt tenter de dialoguer avec elle. Sa réponse survient un jour, toute seule, évidente, d’une façon imprévisible. Nous devons ainsi dépasser le conflit, plutôt que le résoudre. C’est à ce prix que nous intègrerons notre Ombre, sans répercussion fâcheuse. Si nous refusons ce marché — et la tentation est grande —, l’Ombre régentera en secret notre existence et nous tendra des pièges, peut-être mortels (accidents). C’est le cas pour l’homme qui a perdu son ombre, celui qui croit tout savoir de lui-même et devient la victime de son outrecuidance.
Seul, le Soi peut transcender le problème de l’Ombre. Car celle-ci communique avec les grands archétypes, l’Anima (âme féminine de l’homme) et l’animus (pôle masculin de la femme). L’Ombre a donc une fonction de relation qui n’est pas entièrement négative ; et même une fécondité créatrice. Le processus psychologique consiste à prendre conscience de son Ombre et à l’intégrer à sa conscience, au-delà de tous les préjugés moraux et sociaux qui l’entachent.
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